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Basse et Haute Marche

La Marche

 

La Marche

 

La Marche, constituée de deux parties : la Basse-Marche et la Haute-Marche, était aussi une marche au plan linguistique, entre la langue d'oil plus au nord et la langue d'oc plus au sud.

Dans la Marche, les habitants parlaient essentiellement le marchois, le haut-marchois et le limousin (dialectes d'oc) n'étaient parlés qu'au sud de la Basse et de la Haute Marche.

 

                                                                La Basse Marche

 

« Située aux confins des diocèses de Limoges, de Poitiers et de Bourges, longtemps marche frontière entre les royautés française et anglaise, la Basse-Marche n’a pas échappé, au cours de la période considérée, à l’influence poitevine [1] ».

La Basse Marche « comprenait le sol de la Marche primitive, limitrophe du Berry, du Poitou et de l’Angoumois [2]» écrit l’abbé Lecler. Après la Révolution française, « la Basse Marche fait partie des départements de la Charente, de la Vienne et de la Haute Vienne [3] ».

 

NB : d’après les sources écrites, l'adjectif antéposé "Basse" ne semble pas avoir été employé avant le XVe siècle [4] devant "Marche" qui était conçue comme étant un ensemble.


[1] Jean-Pierre Boucher, Didier Delhoume, Claire Gravelat, Inventaire des résidences aristocratiques (XIVe-XVIIe siècles) en Basse-Marche limousine (Haute-Vienne), 2006, p. 425

[2] André Lecler, Dictionnaire topographique, archéologique et historique de la Creuse, 1902, p. 403

[3] Dictionnaire universel, géographique, statistique, historique et politique de la France, Volume 3, 1804, p. 320

[4] Jean-Pierre Boucher, Didier Delhoume, Claire Gravelat, op. cité

 

  • La Basse-Marche est située en partie dans le tiers nord de la Haute-Vienne au-delà des Monts de Blond, en Poitou, au sud-est de Montmorillon dans la Vienne, l'ouest de la Creuse (La Souterraine) et, dans une moindre mesure, en Charente à l'est de Confolens. C'est une zone de transition entre, à l’est, les  contreforts du Massif Central et, à l’ouest, les riches plaines sédimentaires du Poitou et les plateaux du Limousin. Elle est traversée d’est en ouest par la Gartempe qui suit son cours le long de ces basses terres. La rivière Vienne cadre a peu près le côté sud du Comté. La zone géographique occupée par la Basse Marche est intéressante puisque Charroux, première capitale de la Marche, est quasi sur le même alignement que Bellac ou Le Dorat (ancienne capitale de la Basse Marche et distante de seulement soixante km à l’est) et que Guéret à 65 km encore plus à l’est.

  • Appeler « Basse Marche » le nord de la Haute Vienne est une commodité. En effet, certaines communes actuelles (Cromac, Jouac, Les Grand-Chezeaux, etc.) dépendaient du gouvernement de Haute Marche. Elles relevaient aussi de la généralité de Bourges, de la sénéchaussée de Montmorillon, du Parlement de Paris et appliquaient la Coutume du Berry[1].

 

 

 

Au niveau des blasons, Le Dorat en Basse Marche reprend le drapeau de la Marche (la royauté était souvent réduite à trois fleurs de lys). En Haute Marche, Ahun a repris le blason des Lusignan, comtes marchois (bandes bleues sur fond argenté) tandis que La Souterraine a quasi inversé les bandes avec un fond couleur or.

               

                    

                               AHUN (23)                               LA SOUTERRAINE (23)

 

 

         

 

    Double blasonnement pour le Dorat (87) : armes des comtes de la Marche et clefs de saint Pierre

 

« Adossée aux plateaux onduleux qui forment la Marche et les dominant, une colline plus élevée commande à distance les longues plaines du Poitou (…) » : c'est là que fut fondé Le Dorat qui avait une « position sur un point culminant, à portée des frontières, en faisant naturellement un poste militaire (...) ». Cette cité importante pour les comtes de la Marche occupe « cette position intermédiaire entre deux provinces de formation différente, qui rapproche sur son territoire la fertilité des plaines du Poitou des aspects verdoyants et accidentés du Limousin ».

Notes de l’abbé Texier citées par Henri Aubugeois de la Ville du Bost in Histoire du Dorat, 1923, pp. 191-192

 

 

1. La Haute Vienne marchoise

 

Jean Tricard a été professeur en Histoire du Moyen Age à l'Université de Tours et président de l’association Rencontre des historiens du Limousin de 2000 à 2005. Philippe Grandcoing est professeur agrégé d’Histoire en classes préparatoires au lycée Gay-Lussac à Limoges et Robert Chanaud préside actuellement l'association Rencontre des historiens du Limousin.

Ces trois historiens présentent l’ouvrage Le Limousin, pays et identités (2006) et écrivent qu’ « il convient de souligner que la Haute Vienne n’existe pas en tant que territoire identitaire. L’inélégance de l’adjectif forgé à partir du nom du département a sans doute sa part mais aussi l’existence en son sein de deux entités géographiques distinctes (Basse Marche et Haut-Limousin) et surtout le poids de Limoges comme capitale locale [1]».

 

L’ethnologue Maurice Robert, ancien directeur de recherches au CNRS et auteur de nombreux ouvrages sur le Limousin constate lui aussi que « le département de la Haute Vienne ne se présente de manière monolithique ni dans sa géographie, ni dans son économie, ni dans sa culture (...). La langue et l’histoire ont distingué, en une partition qui ne manque pas de légitimité, le Haut Limousin au sud de la Gartempe et la Basse Marche au nord [2] ».



[1] Jean Tricard, Philippe Grandcoing et Robert Chanaud, Génèse, orientations et limites d’une enquête in Le Limousin, pays et identités, 2006, p. 22

[2] Maurice Robert, Ethnographie in Haute Vienne, 1997, p. 80

 

     

Etudions ces différences :

 

• L’économiste Guy Chambon (professeur de gestion à l'Université de Limoges) a étudié les mouvements de population dans les années 1990 dans la Haute Vienne, département découpé en trois arrondissements[1] :

Au sud, « l’arrondissement de Limoges doit son pouvoir d’attraction à la capitale régionale. Il séduit surtout les Corréziens, les Creusois et l’Indre. Au sud, le bassin souffre de la concurrence de Bordeaux et Toulouse ». 

Au sud-ouest, « l’arrondissement de Rochechouart, dans une position géographique extrême en fait un bassin presque extraverti. Il est tourné vers la Dordogne, la Vienne et surtout la Charente. Rochechouart intensifie ses relations avec Midi-Pyrénées et surtout l’Auvergne ».

Au nord, « l’arrondissement de Bellac reste majoritairement tourné vers les département de l’Indre, de la Vienne et de la Creuse. Les échanges migratoires de Bellac sont globalement excédentaires avec les régions limitrophes du fait de liens bénéfiques avec le Poitou-Charentes ».

Historiquement, le sud de la Haute Vienne était limousin, le sud-ouest appartenait soit au Poitou soit à l’Angoumois, tandis que le nord constituait la Basse Marche.

 


 [1] Guy Chambon, Economie, La population, in Haute Vienne, 1997, p. 252

                                                                       

                             

 

Olivier Balabanian, professeur de géographie à l'université de Limoges, est spécialiste des espaces ruraux. Il décrit au nord de Limoges, les monts d’Ambazac et les monts de Blond qui « marquent une frontière linguistique essentielle : celle des langues d’oc et d’oïl. C’est aussi une frontière humaine majeure qui traverse le territoire limousin [1] ».

Au niveau du paysage, le géographe [2] compare les nombreux étangs de la partie nord de la Basse Marche à ceux de la Brenne (région située au nord du Blanc dans l’Indre). Abordant les bocages de la Basse Marche, Olivier Balabanian écrit que « cette région qui commence au nord des monts de Blond et d’Ambazac, possède un relief bien plus calme que toutes les autres régions limousines. C’est là que s’arrête la langue d’oïl. Au sud des monts de Blond et d’Ambazac commencent les parlers de langue d’oc. La Basse Marche est donc un pays de transition largement ouvert aux influences des régions voisines comme la Brenne et le Montmorillonnais. C’est une sorte de glacis, de plan incliné qui permet le passage en douceur vers les régions sédimentaires du Bassin parisien et seulement accidenté par quelques vallées comme la Gartempe, l’Issoire, le Vincou et leurs affluents ».  Couverte jusqu’au XIXe siècle de brandes, de landes, la Basse Marche aujourd’hui « se caractérise surtout par le fait que c’est une région complètement bocagère et que c’est là où le bocage s’est le mieux maintenu [3] ».

 

 

? Maurice Robert est originaire de la Haute Vienne. Spécialiste de la société rurale et artisanale limousine, il fut universitaire et ethnologue au CNRS. Il écrit que  « les monts de Blond (…) marquent la limite du Haut-Limousin et de la Basse Marche (la Haute occupant la plus grande partie de la Creuse) mais aussi entre la langue d’oc et la langue d’oïl ».

Maurice Robert, Ethnographie, in Haute Vienne, Bonneton, 1997, p. 84

 

? En Haute Vienne, l’amas rocheux de Puychaud, près de Blond, marque depuis le XIXe siècle la limite des pays de langue d’oc reconnue par Frédéric Mistral. Une plaque en ardoise a été fixée sur un rocher en 1930 pour symboliser cette délimitation linguistique et pour commémorer le centenaire de la naissance de l’écrivain provençal. Cet endroit « rappelle que là se situait la limite entre langue d’Oc et d’Oïl, pays de droit écrit d’une part et pays de droit coutumier d’autre part » peut-on lire dans la Revisto, journal du Félibrige.

Lou Felibrige, la Revisto, N° 268, janvier-février 2012

 

? Michel Dupeux, ancien professeur d’université et auteur en 2013 d’une étude sur le "patois" de Basse Marche dont il est originaire, écrit qu’il n’y a « rien d’étonnant à ce que, dans la carte des langues régionales établie par H. Walter [Henriette Walter fut professeur de linguistique - NDLA], la Basse Marche se retrouve dans une zone explicite de transition entre langue d’oc et langue d’oïl, souvent qualifiée de "croissant" (…) ».

Michel Dupeux, Le patois de la Basse Marche, 2003

 

• Les différences entre Marche et Limousin sont aussi d’ordre linguistique. Marcel Villoutreix explique que si le dialecte limousin appartient bien au domaine nord-occitan, il convient de constater  qu’ « en ce qui concerne en particulier la Haute Vienne, il faut noter que ce département est traversé entre Bellac et Le Dorat par la limite nord du domaine occitan. Au nord de cette limite, la région qui a été appelée Basse Marche constitue une zone dite « croissant » où se mêlent des traits appartenant à la langue d’oc et à la langue d’oïl [4] ».

Cette différence est constatée par Maurice Robert. Pour lui aussi les Monts de Blond « marquent la limite du Haut-Limousin et de la Basse Marche (la Haute occupant la plus grande partie de la Creuse) mais aussi entre la langue d’oc et la langue d’oïl [5] ». Ce natif de Chalus au sud de la Haute Vienne relève que « les puits à treuil et manivelle se rencontrent au nord (Basse Marche) et à l’ouest ; à chevilles, ils occupent la majeure partie de la Haute Vienne, soulignant à nouveau en quelque sorte la partition culturelle et linguistique entre oc et oïl… ». L’ethnologue signale aussi « que le département de la Haute Vienne est traversé par la ligne de partage des roues de moulin verticales (au nord, selon le modèle transmis par la culture nationale) et horizontales (au sud) [6] ».

 

 

              

Carte des Monts de Blond in Annales scientifiques du naturaliste, université de Limoges

http://epublications.unilim.fr/revues/asna/534

 

 

En Haute Vienne « Les Monts de la Marche (ou d’Ambazac) recouvrent en partie les cantons d’Ambazac, Laurière et Nantiat » [1].



[1] Dominique Danthieux, Le département rouge : république, socialisme et communisme en Haute-Vienne (1895-1940), 2005, p. 16

 

 

• Bernadette Barrière, spécialiste du Moyen Age en Limousin, fut professeure d'histoire médiévale à l'université de Limoges. Michel Cassan, professeur d’histoire dans cette même université est aussi directeur du Centre de recherche historique de l'Université de Limoges. Ces deux spécialistes  décrivent la Haute Vienne, celle de l’époque moderne comme celle du Moyen Age, comme un territoire composé de deux parties : « l’une au nord est inscrite dans la France de langue d’oïl, l’autre dans la France de langue d’oc. La toponymie indique cette diversité linguistique redoublée dans le domaine coutumier [7] ». Bernadette Barrière et Michel Cassan donnent un exemple qui différencie le droit coutumier du droit écrit commun aux pays du sud de la France : « La Basse Marche, sensible aux usages du Poitou limitrophes, pratique un partage des héritages fondé sur la recherche de l’équité entre les descendants ; dans le Haut Limousin, les biens sont transmis à un seul héritier, généralement l’aîné, chargé d’assurer la pérennité de la lignée et de préserver le patrimoine familial. Ce système, dur aux cadets, rattache le Haut Limousin à la France méridionale et de droit écrit où l’inégalité successorale est de règle [8] ».



[1] Olivier Balabanian, Milieux naturels et paysages ruraux, Ce qui revient à la nature, in Haute Vienne, 1997, p. 202

[2] Olivier Balabanian, p. 245

[3] Olivier Balabanian, p. 236

[4] Marcel Villoutreix, Langue et littérature in Haute Vienne, 1997, p. 164

[5] Maurice Robert, Ethnographie in Haute Vienne, 1997, p. 84

[6] Maurice Robert, p. 91

[7] Bernadette Barrière et Michel Cassan, Art et histoire, Des temps modernes à l’époque contemporaine, in Haute Vienne, 1997, p. 57

[8] Bernadette Barrière et Michel Cassan, p. 57

 

 

 

 

Dominique Danthieux étudié l’émigration à destination de Limoges à la fin du XIXe siècle-début du XXe. Avec le sud-ouest de la Haute Vienne et la Montagne (soit un dixième de la superficie du département comprenant en partie les cantons de Saint-Léonard, Eymoutiers et Châteauneuf), la Basse Marche ne contribue que très peu à cette émigration : « la Basse-Marche, dans sa partie orientale, s’abstient quasiment de tout déplacement définitif vers Limoges (…) »[1]. La raison semble être l’habitude de la migration saisonnière en direction de Paris ou de Lyon et les réseaux qui y sont installés favorisent plutôt un déplacement plus ou moins définitif vers ces régions.



[1] Dominique Danthieux, Le département rouge : république, socialisme et communisme en Haute-Vienne (1895-1940), 2005, pp. 36-37

 

 

2. Le nord-ouest creusois

 

 

La Basse Marche en Creuse « est une région de transition vers le Limousin et le Poitou ».

                                                                                           Michel Boucher, Joëlle Furic, La maison rurale en Haute Marche, 2005, p. 9

 

« Une partie de l’actuelle commune de Saint-Maurice-La-Souterraine était intégrée à la Basse Marche ».

                                                                 Annie Moulin, Les maçons de la Haute Marche au XVIIIe siècle, 1987, p. 366

 

 

Michel Boucher et Joëlle Furic appellent Basse Marche le nord-ouest du département de la Creuse. Cet espace est « au contact du Berry, du Poitou et du Limousin [1] » puisque « l’Histoire l’a doté de trois visages qui regardent dans des directions opposées : le Dunois [2] vers le Berry, le Sostrannais [3] vers le Poitou et l’Angoumois, le pays de Bénévent vers le Limousin [4]».

  • Historiquement, Bénévent et la Souterraine n’ont initialement pas fait partie de la Haute Marche : la première relevant de Limoges et la seconde, avec  la vicomté de Bridiers, du Poitou  (Dun a par contre toujours fait partie de la Marche).
  • Linguistiquement, Bénévent s’exprime en occitan limousin, Dun-le-Palestel et La Souterraine, communes situées au-dessus de la Gartempe, parlent  marchois.

 

           Carte des différentes influences in Michel Boucher, Joëlle Furic, La maison rurale en Haute Marche, 2005

 

 

Au point de vue architectural, si en Basse Marche creusoise les granges sont de type limousin, les cheminées « se rattachent (…) au type rencontré dans une vaste région allant du Perche au Berry en passant par l’Orléanais, le Maine, la Touraine et la Sologne [5] ». Autre particularité de cette microrégion, les alentours de Dun-le-Palestel et la Souterraine  « développent, sous l’influence du Berry, une maison aux murs bas, aux combles élevés éclairés par des lucarnes à foin [6]».



[1] Michel Boucher, Joëlle Furic, La maison rurale en Haute Marche, 2005, p. 86

[2] Le pays dunois comprend Dun-le-Palestel, Saint-Léger, Saint-Germain-Beaupré, Azerables, Bazelat, La Chapelle-Baloue, Saint Sébastien, Lafat, La Celle Dunoise, Saint-Sulpice-le-Dunois, Bussière Dunoise

[3] Le pays sostrannais regroupe La Souterraine, Saint-Agnant-de-Versillat, Vareilles, Naillat, Fleurat, Noth, Lizières, Saint-Priest-la-Feuille, Saint-Maurice-la-Souterraine

[4] Michel Boucher, Joëlle Furic, La maison rurale en Haute Marche, 2005,p. 85

[5] Ibidem, p. 89

[6] Ibidem, p. 87

 

 

 

Au Moyen Age, si la paroisse de Saint-Maurice en Creuse actuelle relevait de l'évêque de Limoges sur le plan religieux, elle se trouvait dans la dépendance féodale d'une part des seigneurs de Basse Marche, d'autre part des comtes de Poitiers.

Source : Marie-Emmanuelle Desmoulins, Françoise Celer, Paul-Edouard Robinne, Inventaire général du patrimoine culturel, 2007, http://www.culture.gouv.fr/

  • Etait en Poitou la plupart de son territoire comprenant les seigneuries vassales et les possessions de la vicomté de Bridiers, ainsi que les possessions de la commanderie de Morterolles, de la baronnie de Fromental, de la prévôté et de la communauté de prêtres de La Souterraine.
  • Etait en Basse Marche l'enclave de "Vitrat-le-Doignon" dépendant du marquisat, puis duché, de Magnac-Laval.
  • Certaines seigneuries rendaient hommage aux vicomtes de Bridiers.

                                                    

                        Source : Réseau « paysage et urbanisme durable », Pays Ouest Creuse, 2012, http://www.mairieconseilspaysage.net/

 

Sur la fiche technique du réseau « paysage et urbanisme durable » qui regroupe diverses communautés de communes de l’Ouest de la Creuse, on lit que ce territoire est scindé :

  • En trois régions agricoles : Bas-Berry, Marche et Haut-Limousin (cf. les 3 communautés de communes dont deux parlent marchois - Pays dunois et sostranien - ce qui n'est le cas que de la bordure nord du pays de Bénévent-Grand Bourg - cf. Fleurat, le nord de Grand Bourg).

  • En quatre unités forestières distinctes : la Vallée de la Creuse, la Basse-Marche, la châtaigneraie et la montagne limousines (la Basse Marche correspond au sud-ouest du pays sostranien).

 

                          

 

                         Carte tirée de l'Atlas de Robert-Henri Bautier, archiviste de la Creuse et des Archives Nationales

                                 source : Atlas historique du Limousin > http://www.unilim.fr/atlas-historique-limousin/

 

 

 

Johannès Plantadis, membre fondateur et majoral limousin du Félibrige fut aussi directeur de la revue Limouzi. Il y écrit qu’initialement à la création des départements, la Haute Vienne devait s’appeler « Haut-Limousin », la Corrèze « Bas-Limousin » et la Creuse « Marche » in Revue Lemouzi, N° 188, p. 73

 

 

                                                                     La Haute Marche

 

La Haute-Marche englobe le département de la Creuse, une partie sud de l'Indre (dans sa partie sud proche de la rivière Creuse comme Aigurande ou Le Blanc) tandis que le sud du Cher qui fit partie du Bourbonnais est occupé par la pointe nord des Monts de la Marche. En ce qui concerne le Bourbonnais (département de l'Allier), si la commune de Gouzon, qui en faisait initialement partie, a été intégrée ensuite à la Marche, il n’y a pas à notre connaissance de documents qui précisent que cette partie du comté s’y soit étendue même si certains historiens ont avancé l’idée que Montluçon aurait pu en faire partie. Pour autant, à 7,5 km d’Evaux-les-Bains (Creuse), se trouve une commune de la Combraille, la Petite-Marche, dont les 215 habitants (recensement de 1999) s'appellent les… Marchois(es) !

 

 

1. Le nord et l'est creusois

 

Après la Guerre de Cent ans qui voit le développement de la royauté et, au XVIe siècle, la monarchie absolue, « durant trois cents ans, le territoire du futur département de la Creuse, appelons-le « pays creusois », en grande partie, mais en grande partie seulement, issu de la Haute Marche, allait être dans une situation particulièrement complexe, avec, globalement, une séparation plus nette entre Marche et Limousin».

                                                                                                                         Philippe Loy, Histoire et Art, in La Creuse,  Bonneton, 2009

 

? Le docteur François Vincent a publié de nombreux contes et chansons en "patois" de la Creuse. Guylaine  Brun-Trigaud explique que « pour rendre son étude tout à fait complète, Vincent lui adjoint quelques spécimens de textes dialectaux, parmi lesquels se trouve la version d’une fable en patois de Lafat, près de Dun et une chanson en patois des environs de la Souterraine, accompagnée du commentaire suivant : "les mots se prononcent à la française, tels qu’ils sont écrits, de sorte qu’un Parisien pourrait le lire tout aussi correctement qu’un paysan de la localité" (p. 298) ».

                                                                 François Vincent, Etude sur le patois de la Creuse, MSSNAC, tome 5, 1885

 

 

                                                         

2. L'Indre et la Vienne

 

Michel Aubrun est historien médiéviste, spécialiste de l'histoire des paroisses et du monde paysan. Docteur ès-lettres, il fut d’abord professeur au lycée de Guéret avant de rejoindre l’université de Nancy, puis, jusqu’à sa retraite, l'Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Il est l’auteur de quatre études publiées dans les Mémoires de la Société des sciences de la Creuse consacrées à la commune marchoise de Lourdoueix-Saint-Michel (Indre).

C’est ce spécialiste qui rédige l’avant-propos d’une étude consacrée à cette commune réalisée par la linguiste Guylaine Brun-Tigaudoù il explique que, pour cette paroisse rurale intégrée à la Marche dès sa création au Xe siècle, « (…) l’attirance vers le nord n’a jamais manqué (…) ».

                                                                                              Guylaine Brun-Tigaud, Le parler de Lourdoueix-Saint-Michel, MSSNAC, 1993
 

En 1891, en préambule de son ouvrage consacré au bas-Berry[1], Alphonse Ponroy (surnommé Piêre de La Loje) précise qu’à Chantôme (canton d’Eguzon, Indre), commune qui touche le département de la Creuse et qui fit partie autrefois de la Marche, la population est bilingue : les gens y parlent "patois" entre eux et français avec les étrangers. Il appelle l’idiome de Chantôme et des environs le berrichon-marchois.



[1] Alphonse Ponroy, dit Piêre de La Loje, Glossaire du Bas Bêri (Indre), 1891

                            Carte tirée de l'Atlas de Robert-Henri Bautier, archiviste de la Creuse et des Archives Nationales

                                 source : Atlas historique du Limousin > http://www.unilim.fr/atlas-historique-limousin/

 

 

 

Combraille et Franc-Alleu 

On utilise le terme Combraille au singulier par opposition aux Combrailles auvergnates. Même chose pour la Marche qui est au singulier tandis qu’en Bretagne, en Poitou, on parle de Marches au pluriel.

 

 

Pierre Robert était, en 1580, lieutenant du roi au siège du Dorat (juridiction de la Basse-Marche) et installé dans sa fonction « par le lieutenant général de la Haute Marche à Guéret [1] ». Il décède en 1658 avant d’avoir pu achever son Histoire de la Marche [2] dans laquelle il fait une courte description de deux petits pays creusois que sont  la Combraille et le Franc-Alleu :

 

 La Combraille « (…) est un petit pays borné de l’Auvergne, du Bourbonois et de la Marche, qui consiste en 55 paroisses et cinq chastellenies, Auzances, Lacrocq et Chambon qui sont trois petites villes, et deux bourgs Semur et Lespau, qui sont au bailliage d’Aigueperse près Montpensier en Auvergne, dont les appeaux pour les cas communs relèvent immédiatement a la cour, et pour les cas royaux au présidial de Riom. Ils ont une élection et recepte à Esvaon, qu’on dit communément Esvau, et pour les aides vont à Clairmont-Ferrand. Ils sont de la généralité de Moulins et de la seneschaussée de la Marche, car le seneschal de la Marche l’est de Combraille pour le spirituel (…) ».

En 1789, la Combraille va demander « sa propre représentation aux états généraux sous prétexte qu’elle n’a jamais appartenu aux états d’Auvergne ». Quelques mois plus tard, elle demande à être rattachée à la Haute Marche, de préférence à l’Auvergne, tout comme le Franc Alleu.                                          Source : Christophe Jamain, ouvrage cité

 

 « Le Franc Alleud est un aultre petit pays de 20 ou 22 paroisses, quelques-unes desquelles sont enclavées dans la Marche. Il est du ressort d’Auvergne, présidial de Riom, d’ou on l’a distrait pour l’unir à celluy de Guéret (…) Il y a une élection et recepte a Bellegarde qui est une villette royale ».

Aujourd’hui, Combraille et Franc-Alleu sont assimilés par commodité à la Marche. Ainsi, le Pays Combraille en Marche est un regroupement de collectivités locales situé à l'est du département. Bellegarde, qui fut autrefois « capitale » du Franc-Alleu, se dénomme de nos jours Bellegarde-en-Marche [3] (un franc alleu désignait autrefois un fief en héritage qui ne relevait d'aucun seigneur et qui bénéficiait d'exemptions fiscales).



[1] Louis Pérouas, déjà cité

[2] Alfred Leroux a rendu compte des Extraits d’une Histoire de la Marche, préparée entre 1650 et 1658 par Pierre Robert du Dorat, in Mémoires de la Société des sciences de la Creuse, 1891-92

[3] L’association des Amis de Bellegarde-en-Marche écrit que, d’après les historiens, « la ville murée, l’ancienne bastide de Philippe-Auguste, se retrouva incluse dans la Marche, lorsque celle-ci mit la main sur la Vicomté d’Aubusson, en 1226 ».

http://amis-de-bellegarde-en-marche.asso-web.com

 

 

Nous sommes historiquement, géographiquement, culturellement, Marchois, Angoumoisins, Bourbonnais, Berrichons.  Pas Occitans.

 

Il serait terrible de voir se développer et se généraliser en Marche (Basse et Haute), dans le Bourbonnais, etc., sous la pression de militants occitans,  des écoles occitanes (calandretas) ou des panneaux de signalisation en occitan qui imposeraient une langue, une graphie et une culture venues du sud, avec comme logo la croix occitane qui n’a jamais flotté sur nos territoires.

 

Questionnons l'architecture rurale :

Ayant analysé les constructions en Haute Marche, Michel Boucher et Joëlle Furic ont cherché en 2005 à définir les différentes influences. Constatant un certain nombre d’analogies (architecture, relief, climat, etc.), ils ont établi une carte des influences septentrionales et méridionales avec deux exemples très particuliers qui n’en demeurent pas moins significatifs : l’église Notre-Dame-du-Château à Felletin, en sud-Creuse de langue d’oc, date du XVe siècle et possède un plan similaire aux églises du Languedoc. Au nord du département où est parlé le marchois, le château de Saint-Germain-Beaupré construit aux XIIIe et XVIe siècles reprend lui le style des châteaux de la Loire.

Michel Boucher, Joëlle Furic, La maison rurale en Haute Marche, Editions Créer, 2005, p. 15

 

A noter que le cabinet des portraits du château de Blois contient une collection de tableaux qui proviennent du château de Saint-Germain-Beaupré.

 

 

           

                      Carte extraite de : Michel Boucher, Joëlle Furic,La maison rurale en Haute Marche, 2005

 

Au plan architectural :

-       La France du sud est tangible à l’extrémité du département, en dessous d’un arc de cercle Felletin-Crocq.

-       La France du Nord est elle plus largement représentée dans un espace allant de La Souterraine jusqu’au dessus de Chambon-sur-Voueize (elle reprend, hormis le Guérétois, quasiment le même tracé que celui qui est attribué au Croissant marchois).

-       Entre ces deux zones, « la Haute Marche proprement dite dont le caractère va alors apparaître comme un mélange des deux influences qui l’entourent » ce qui « confirme sa position de région de transition entre le nord et le sud de la France ». p. 62

D’un point de vue architectural, l’influence méridionale est d’inspiration limousine au sud-ouest (Bénévent, Bourganeuf) et auvergnate tant au sud (Felletin, Crocq) qu’au sud-est (Auzances). Celle du nord est présente avec le style berrichon au nord-ouest (Crozant, Bonnat), le style poitevin autour de la Souterraine et celui du bourbonnais au nord-est (Boussac, Chambon-sur-Voueize).

 

 

La Marche et la question de la Région administrative (avant 2016) :

  • « Depuis 1960, le département de la Creuse fait partie de la région Limousin (bien que ce territoire fût historiquement situé dans la Marche) » fait remarquer Michel Allard, professeur au Département de géographie de l’Université de Laval au Canada.
  • Florence PLET est maître de conférences à l’université de Bordeaux 3. Que dit-elle de la Marche ? « De l’origine du mot marche, il demeure le sentiment d’appartenir à une sorte de zone-frontière moderne, artificiellement rattachée au Limousin (qui tend vers le Sud-Ouest), bien que la culture soit différente (plus tournée vers le Nord-Est, pour le Marchois). Certes, la langue, spécifique, n’est plus guère pratiquée, mais les accents qui subsistent « parlent » d'eux-mêmes : « montagnard » côté Marche, méridional côté Limousin (…) Au total, malgré leur air désuet, les mots Marche, marchois, semblent vivre d’une vie moderne dans leur région ». Florence PLET, Les marches médiévales dans l’imaginaire moderne : enquête sur les origines, 2003, http://www.jrrvf.com/essais/marches/marches.html
  • Jean-Charles Varennes, auteur de multiples ouvrages consacrés à l'Histoire, précise pour sa part que le comté de la Marche « évoluera à part de la Vienne moyenne et de la Corrèze auxquelles sera réservé le nom de Limousin ; un seul lien subsistera : l’appartenance au diocèse de Limoges ». Jean-Charles Varennes, Les grandes heures de la Haute Marche, 1983
  • Alfred Leroux remarquait pour sa part au XIXe siècle que si le terme Limousin s’appliquait par convention aux trois départements c’était malgré la concurrence de la Marche revendiquée par les Creusois et les Bellachons.

    Alfred Leroux, Géographie statistique et historique du pays limousin depuis les origines jusqu'à nos jours, 1919, p. 147

  • Robert Chanaud, alors directeur des Archives départementales de la Haute Vienne,s’interrogeait en 2006 sur la perception que nous aurions du Limousin si par exemple la Creuse et la Corrèze avaient rejoint dans les années 50 une région dite « Massif central » et que la Haute Vienne ait été rattachée au Poitou-Charente : « les Correziens se sentiraient-ils Limousins ? Sans parler des Creusois… ». Le Limousin a été reconnu tant que tel mais pour cet historien « cette évidence est une situation récente qu’il faut se garder de projeter dans les siècles passés. Or chez beaucoup d’auteurs, le Limousin correspond implicitement à l’ancien diocèse de Limoges, définition qui peut fonctionner… à une exception près : faire abstraction de l’essentiel de l’Ancien Régime, du XIXe siècle et de la première moitié du XXe ! ».

    Robert Chanaud, Un Limousin à géométrie variable in Le Limousin, pays et identités, 2006, p. 60 (voir ci-dessous)

 

La question de la Région : tournons-nous vers deux historiens.

    

Histoire

Désiré Brelingard

Histoire

Robert Chanaud

Désiré Brelingard fut professeur agrégé d’Histoire au prestigieux lycée Condorcet à Paris.

Il rédige en 1950 une  Histoire du Limousin et de la Marche, publiée aux Presses Universitaires de France. Cette distinction entre Marche et Limousin se justifie tout au long de la lecture de cet ouvrage.

- Par exemple, en ce qui concerne la Creuse (Haute Marche), on peut y lire qu’elle est « ouverte vers le nord, résolument campagnarde ». Par contre, en ce qui concerne le Limousin, la Corrèze est « fertile en ministres, regardant vers le Midi » et Brive est décrite comme étant le « portail vivant du midi ».

- D. Brelingard explique qu’au XIVe siècle, si beaucoup de seigneurs limousins rechignent à soutenir le roi de France Philippe VI, il en va différemment en pays marchois : « seule la Marche apparaît décidée. L’influence française s’y affirmait déjà ».  Le Limousin pendant le haut Moyen Age est par contre décrit comme étant une « avant-garde du Midi face aux Francs [1]». Cet historien fait état dans le Limousin de « l’atmosphère d’une région opposée aux hommes du Nord, ne serait-ce que par la langue » et « c’est seulement avec le triomphe de la monarchie que le Limousin regardera franchement vers le Nord [2]».

 

La question de la place de la Marche dans la Région Limousin a toujours interrogé tant les deux entités possèdent une identité propre. En 2006, Robert Chanaud, alors directeur des Archives départementales de la Haute Vienne, fournit une analyse de cette dualité :

- « Passé le Moyen Age et avant 1956, il n’est pas correct de parler de Limousin pour désigner autre chose qu’une aire correspondant à la Corrèze et à une grosse moitié sud de la Haute Vienne, non compris les alentours de Rochechouart [3] ».

- R. Chanaud explique qu’« on aurait assurément fait sursauter les habitants du Dorat, d’Ambazac, a fortiori de Guéret ou d’Evaux en les appelants Limousins ; en revanche tous auraient reconnu sans peine être du diocèse de Limoges, et, pour les deux premiers, de la même généralité. Il est erroné de " faire comme si" la Marche était une partie du Limousin : province, administration, justice, droit, tout concourait à lui donner une individualité [4] ».

- Pour cet historien, le tracé de la Région administrative aura finalement été une chance pour le Limousin puisqu’ « en cassant définitivement la Marche, il supprimait une identité potentiellement concurrente [5]». Malgré tout, encore aujourd’hui, la question de la Marche « constitue, pour le concept de Limousin, le caillou dans le soulier » (p. 61).

 

[1] p. 23

[2] p. 17

[3] Jusqu'à la Révolution, Rochechouart dépendait du Poitou

[4] Robert Chanaud, Un Limousin à géométrie variable in Le Limousin, pays et identités, PULIM, 2006

[5] Robert Chanaud, Un Limousin à Géométrie variable, in Le Limousin, pays et identités, PULIM, 2006, p. 80

 

 

La mémoire collective marchoise n’a pas disparu : concernant la radio de service public,  il existe une station France Bleu Limousin d’un côté et France Bleu Creuse de l’autre. Pour la presse écrite, le journal l’Echo de la Creuse consacre une pleine page à la Basse Marche intitulée l’écho du pays de Bellac. Le journal La Montagne aborde très régulièrement la question marchoise :

  •  29 décembre 2010 : dans un article intitulé Le Creusois est tenace, parfois trop, le journaliste Éric Donzé interroge un médecin du service de radiothérapie de Guéret : « Vous sentez-vous plus Limousin ou Marchois ? » Réponse du médecin : «  Je ne me sens pas Limousin. Creusois, oui certainement ».
  •  23 août 2011 : « (…) la Marche et le Berry appartiennent à l’aire culturelle Centre-France [1] ».
  • 19 octobre 2011 : le château de Montaigut-le-Blanc est présenté comme étant « verrou sur la vallée de la Gartempe, frontière entre Marche et Limousin (…) ».

[1] Journal La Montagne du 23 août 2011 in La Marche et le Berry ressortent leurs vieilles histoires

 

La Marche et la question de la Région "nouvelle Aquitaine" :

 

André Chandernagor a été ministre et président du Conseil régional du Limousin. Dans le journal La Montagne du 31 décembre 2015 il donne son sentiment sur la Creuse, l’Allier, les nouvelles régions. En voici des passages :

  • Concernant le rattachement de la Creuse à l’Aquitaine, vous vous posez encore bien des questions ?

AC : « À un certain moment, y a-t-il eu une initiative pour réunir tout le monde et sonder les avis ?  Ben non ! Une fois de plus, les Creusois ont subi. Ils savent admirablement subir mais pour le reste : tintin. Ils ne savent pas. Maintenant certains émettent des votes de protestation, mais c’est avant qu’il fallait le faire. »

  • Votre sentiment sur la question ? 

AC : « Pour moi, on aurait dû aller vers l’ouest, mais j’aurais interrogé avant, toutes les forces vives, pour déterminer où aller. J’ai toujours pensé qu’il y aurait, à terme, une réunion du Limousin avec le Poitou-Charentes parce que c’était inévitable. Mais je n’avais pas envisagé que cela irait jusqu’à Bordeaux. Au regard de l’histoire, cela pose peut-être un problème. Hormis Bourganeuf qui dépendait du Limousin et pour la justice de Montmorillon, la Creuse dépendait de Moulins sous l’Ancien Régime. Le subdélégué qui siégeait à Guéret relevait de l’intendant de Moulins. Si l’on regarde les cours d’eau, tous ceux qui prennent naissances en Creuse vont vers le nord, il n’y en a pas un qui va vers le sud. Il n’aurait pas été absurde de dépendre du Centre ou du Bourbonnais qui lui-même est le sacrifié de l’Auvergne. On pouvait s’interroger. On ne l’a pas fait. Maintenant il faut bien vivre avec ce que l’on a. »

  • Que peut faire La Creuse dans la future Aquitaine ?

AC : « D’abord il faudrait savoir ce que l’on veut. Qu’est-ce que j’attends d’une capitale régionale comme l’avait été Limoges et que Limoges ne nous a pas donné ? Quand le maire de Limoges Louis Longequeue a pris ma succession (ndlr, en 1981) tout a été concentré sur sa ville et la première chose qui a été faite ça a été de détourner ma route. J’attendais que Limoges soit une pompe aspirante et refoulante. Elle n’a jamais été qu’une pompe aspirante. »

http://www.lamontagne.fr/limousin/actualite/departement/creuse/2015/12/31/

andre-chandernagor-la-creuse-a-ete-victime-du-tout-pour-limoges_11724516.html

 

Ce point de vue est fort intéressant : pour André Chandernagor, la Creuse a bien été victime du "tout pour Limoges", l'Histoire rapproche la Marche du Bourbonnais lui-même sacrifié à l'Auvergne et "il n’aurait pas été absurde de dépendre du Centre ou du Bourbonnais".

Cette analyse peut être rapprochée de celle de Jean-Michel Monnet-Quelet intitulée « Redécoupage des régions : quelles perspectives pour les Marchois-es ? ».

Pour lire ce texte, cliquez ici.

 

                                  

      

           

La Marche : une réalité historique

 

La Marche a été un comté pendant huit siècles, une zone tampon entre les pouvoirs du Poitou et du Berry face au Limousin. 

 

Onésime Reclus expliquait qu’une ”marche” c’était une frontière : « la Marche, en effet, n’était pas autre chose : elle s’interposait entre le Limousin, contrée qui était très peu française en ce temps là [Xe-XIIIe siècle – NDLA] et le Berry, province qui l’était essentiellement. Frontière non seulement politique, mais aussi géographique, ethnique et linguistique (…) parce que le Limousin appartenait à la langue d’oc, qui n’y est pas encore muette, tandis que le Berry n’a jamais appartenu qu’à la langue d’oïl ». Onésime Reclus, La France à vol d'oiseau, 1908, p. 60

 

Les comtes de la Marche sont initialement les vassaux des comtes du Poitou mais « Ils vont peu à peu se tailler aux dépens des seigneuries voisines un comté sur lequel ils exercent dès le Xème siècle des prérogatives de puissance publique. A partir de cette période, l’unité limousine va être rompue et la Marche va désormais évoluer indépendamment du reste du Limousin.»

                                           Christophe Jamain, Le département de la Creuse, ses origines et sa pérennité, PULIM, 2000