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Basse Marche

La Marche

 

La Marche

 

La Marche, constituée de deux parties : la Basse-Marche et la Haute-Marche, était aussi une marche au plan linguistique, entre la langue d'oil plus au nord et la langue d'oc plus au sud.

Dans la Marche, les habitants parlaient essentiellement le marchois, le haut-marchois et le limousin (dialectes d'oc) n'étaient parlés qu'au sud de la Basse et Haute Marche.

 

                                                                La Basse Marche

 

« Située aux confins des diocèses de Limoges, de Poitiers et de Bourges, longtemps marche frontière entre les royautés française et anglaise, la Basse-Marche n’a pas échappé, au cours de la période considérée, à l’influence poitevine [1] ».

La Basse Marche « comprenait le sol de la Marche primitive, limitrophe du Berry, du Poitou et de l’Angoumois [2]» écrit l’abbé Lecler. Après la Révolution française, « la Basse Marche fait partie des départements de la Charente, de la Vienne et de la Haute Vienne [3] ».

 

NB : d’après les sources écrites, l'adjectif antéposé "Basse" ne semble pas avoir été employé avant le XVe siècle [4] devant "Marche".


[1] Jean-Pierre Boucher, Didier Delhoume, Claire Gravelat, Inventaire des résidences aristocratiques (XIVe-XVIIe siècles) en Basse-Marche limousine (Haute-Vienne), 2006, p. 425

[2] André Lecler, Dictionnaire topographique, archéologique et historique de la Creuse, 1902, p. 403

[3] Dictionnaire universel, géographique, statistique, historique et politique de la France, Volume 3, 1804, p. 320

[4] Jean-Pierre Boucher, Didier Delhoume, Claire Gravelat, op. cité

 

  • La Basse-Marche est située en partie dans le tiers nord de la Haute-Vienne au-delà des Monts de Blond, en Poitou, au sud-est de Montmorillon dans la Vienne, l'ouest de la Creuse (La Souterraine) et, dans une moindre mesure, en Charente à l'est de Confolens. C'est une zone de transition entre, à l’est, les  contreforts du Massif Central et, à l’ouest, les riches plaines sédimentaires du Poitou et les plateaux du Limousin. Elle est traversée d’est en ouest par la Gartempe qui suit son cours le long de ces basses terres. La rivière Vienne cadre a peu près le côté sud du Comté. La zone géographique occupée par la Basse Marche est intéressante puisque Charroux, première capitale de la Marche, est quasi sur le même alignement que Bellac ou Le Dorat (ancienne capitale de la Basse Marche et distante de seulement soixante km à l’est) et que Guéret à 65 km encore plus à l’est.

  • Appeler « Basse Marche » le nord de la Haute Vienne est une commodité. En effet, certaines communes actuelles (Cromac, Jouac, Les Grand-Chezeaux, etc.) dépendaient du gouvernement de Haute Marche. Elles relevaient aussi de la généralité de Bourges, de la sénéchaussée de Montmorillon, du Parlement de Paris et appliquaient la Coutume du Berry[1].

 

 

 

1. La Haute Vienne marchoise

 

Jean Tricard a été professeur en Histoire du Moyen Age à l'Université de Tours et président de l’association Rencontre des historiens du Limousin de 2000 à 2005. Philippe Grandcoing est professeur agrégé d’Histoire en classes préparatoires au lycée Gay-Lussac à Limoges et Robert Chanaud préside actuellement l'association Rencontre des historiens du Limousin.

Ces trois historiens présentent l’ouvrage Le Limousin, pays et identités (2006) et écrivent qu’ « il convient de souligner que la Haute Vienne n’existe pas en tant que territoire identitaire. L’inélégance de l’adjectif forgé à partir du nom du département a sans doute sa part mais aussi l’existence en son sein de deux entités géographiques distinctes (Basse Marche et Haut-Limousin) et surtout le poids de Limoges comme capitale locale [1]».

 

L’ethnologue Maurice Robert, ancien directeur de recherches au CNRS et auteur de nombreux ouvrages sur le Limousin constate lui aussi que « le département de la Haute Vienne ne se présente de manière monolithique ni dans sa géographie, ni dans son économie, ni dans sa culture (...). La langue et l’histoire ont distingué, en une partition qui ne manque pas de légitimité, le Haut Limousin au sud de la Gartempe et la Basse Marche au nord [2] ».



[1] Jean Tricard, Philippe Grandcoing et Robert Chanaud, Génèse, orientations et limites d’une enquête in Le Limousin, pays et identités, 2006, p. 22

[2] Maurice Robert, Ethnographie in Haute Vienne, 1997, p. 80

 

     

Etudions ces différences :

 

• L’économiste Guy Chambon (professeur de gestion à l'Université de Limoges) a étudié les mouvements de population dans les années 1990 dans la Haute Vienne, département découpé en trois arrondissements[1] :

ü  Au sud, « l’arrondissement de Limoges doit son pouvoir d’attraction à la capitale régionale. Il séduit surtout les Corréziens, les Creusois et l’Indre. Au sud, le bassin souffre de la concurrence de Bordeaux et Toulouse ». 

ü  Au sud-ouest, « l’arrondissement de Rochechouart, dans une position géographique extrême en fait un bassin presque extraverti. Il est tourné vers la Dordogne, la Vienne et surtout la Charente. Rochechouart intensifie ses relations avec Midi-Pyrénées et surtout l’Auvergne ».

ü  Au nord, « l’arrondissement de Bellac reste majoritairement tourné vers les département de l’Indre, de la Vienne et de la Creuse. Les échanges migratoires de Bellac sont globalement excédentaires avec les régions limitrophes du fait de liens bénéfiques avec le Poitou-Charentes ».

Historiquement, le sud de la Haute Vienne était limousin, le sud-ouest appartenait soit au Poitou soit à l’Angoumois, tandis que le nord constituait la Basse Marche.

 


 [1] Guy Chambon, Economie, La population, in Haute Vienne, 1997, p. 252

                                                                       

                             

 

Olivier Balabanian, professeur de géographie à l'université de Limoges, est spécialiste des espaces ruraux. Il décrit au nord de Limoges, les monts d’Ambazac et les monts de Blond qui « marquent une frontière linguistique essentielle : celle des langues d’oc et d’oïl. C’est aussi une frontière humaine majeure qui traverse le territoire limousin [1] ».

Au niveau du paysage, le géographe [2] compare les nombreux étangs de la partie nord de la Basse Marche à ceux de la Brenne (région située au nord du Blanc dans l’Indre). Abordant les bocages de la Basse Marche, Olivier Balabanian écrit que « cette région qui commence au nord des monts de Blond et d’Ambazac, possède un relief bien plus calme que toutes les autres régions limousines. C’est là que s’arrête la langue d’oïl. Au sud des monts de Blond et d’Ambazac commencent les parlers de langue d’oc. La Basse Marche est donc un pays de transition largement ouvert aux influences des régions voisines comme la Brenne et le Montmorillonnais. C’est une sorte de glacis, de plan incliné qui permet le passage en douceur vers les régions sédimentaires du Bassin parisien et seulement accidenté par quelques vallées comme la Gartempe, l’Issoire, le Vincou et leurs affluents ».  Couverte jusqu’au XIXe siècle de brandes, de landes, la Basse Marche aujourd’hui « se caractérise surtout par le fait que c’est une région complètement bocagère et que c’est là où le bocage s’est le mieux maintenu [3] ».

 

 

? Maurice Robert est originaire de la Haute Vienne. Spécialiste de la société rurale et artisanale limousine, il fut universitaire et ethnologue au CNRS. Il écrit que  « les monts de Blond (…) marquent la limite du Haut-Limousin et de la Basse Marche (la Haute occupant la plus grande partie de la Creuse) mais aussi entre la langue d’oc et la langue d’oïl ».

Maurice Robert, Ethnographie, in Haute Vienne, Bonneton, 1997, p. 84

 

? En Haute Vienne, l’amas rocheux de Puychaud, près de Blond, marque depuis le XIXe siècle la limite des pays de langue d’oc reconnue par Frédéric Mistral. Une plaque en ardoise a été fixée sur un rocher en 1930 pour symboliser cette délimitation linguistique et pour commémorer le centenaire de la naissance de l’écrivain provençal. Cet endroit « rappelle que là se situait la limite entre langue d’Oc et d’Oïl, pays de droit écrit d’une part et pays de droit coutumier d’autre part » peut-on lire dans la Revisto, journal du Félibrige.

Lou Felibrige, la Revisto, N° 268, janvier-février 2012

 

? Michel Dupeux, ancien professeur d’université et auteur en 2013 d’une étude sur le "patois" de Basse Marche dont il est originaire, écrit qu’il n’y a « rien d’étonnant à ce que, dans la carte des langues régionales établie par H. Walter [Henriette Walter fut professeur de linguistique - NDLA], la Basse Marche se retrouve dans une zone explicite de transition entre langue d’oc et langue d’oïl, souvent qualifiée de "croissant" (…) ».

Michel Dupeux, Le patois de la Basse Marche, 2003

 

• Les différences entre Marche et Limousin sont aussi d’ordre linguistique. Marcel Villoutreix explique que si le dialecte limousin appartient bien au domaine nord-occitan, il convient de constater  qu’ « en ce qui concerne en particulier la Haute Vienne, il faut noter que ce département est traversé entre Bellac et Le Dorat par la limite nord du domaine occitan. Au nord de cette limite, la région qui a été appelée Basse Marche constitue une zone dite « croissant » où se mêlent des traits appartenant à la langue d’oc et à la langue d’oïl [4] ».

Cette différence est constatée par Maurice Robert. Pour lui aussi les Monts de Blond « marquent la limite du Haut-Limousin et de la Basse Marche (la Haute occupant la plus grande partie de la Creuse) mais aussi entre la langue d’oc et la langue d’oïl [5] ». Ce natif de Chalus au sud de la Haute Vienne relève que « les puits à treuil et manivelle se rencontrent au nord (Basse Marche) et à l’ouest ; à chevilles, ils occupent la majeure partie de la Haute Vienne, soulignant à nouveau en quelque sorte la partition culturelle et linguistique entre oc et oïl… ». L’ethnologue signale aussi « que le département de la Haute Vienne est traversé par la ligne de partage des roues de moulin verticales (au nord, selon le modèle transmis par la culture nationale) et horizontales (au sud) [6] ».

 

 

              

Carte des Monts de Blond in Annales scientifiques du naturaliste, université de Limoges

http://epublications.unilim.fr/revues/asna/534

 

 

• Bernadette Barrière, spécialiste du Moyen Age en Limousin, fut professeure d'histoire médiévale à l'université de Limoges. Michel Cassan, professeur d’histoire dans cette même université est aussi directeur du Centre de recherche historique de l'Université de Limoges. Ces deux spécialistes  décrivent la Haute Vienne, celle de l’époque moderne comme celle du Moyen Age, comme un territoire composé de deux parties : « l’une au nord est inscrite dans la France de langue d’oïl, l’autre dans la France de langue d’oc. La toponymie indique cette diversité linguistique redoublée dans le domaine coutumier [7] ». Bernadette Barrière et Michel Cassan donnent un exemple qui différencie le droit coutumier du droit écrit commun aux pays du sud de la France : « La Basse Marche, sensible aux usages du Poitou limitrophes, pratique un partage des héritages fondé sur la recherche de l’équité entre les descendants ; dans le Haut Limousin, les biens sont transmis à un seul héritier, généralement l’aîné, chargé d’assurer la pérennité de la lignée et de préserver le patrimoine familial. Ce système, dur aux cadets, rattache le Haut Limousin à la France méridionale et de droit écrit où l’inégalité successorale est de règle [8] ».



[1] Olivier Balabanian, Milieux naturels et paysages ruraux, Ce qui revient à la nature, in Haute Vienne, 1997, p. 202

[2] Olivier Balabanian, p. 245

[3] Olivier Balabanian, p. 236

[4] Marcel Villoutreix, Langue et littérature in Haute Vienne, 1997, p. 164

[5] Maurice Robert, Ethnographie in Haute Vienne, 1997, p. 84

[6] Maurice Robert, p. 91

[7] Bernadette Barrière et Michel Cassan, Art et histoire, Des temps modernes à l’époque contemporaine, in Haute Vienne, 1997, p. 57

[8] Bernadette Barrière et Michel Cassan, p. 57

 

 

 

2. Le nord-ouest creusois

 

 

La Basse Marche en Creuse « est une région de transition vers le Limousin et le Poitou ».

                                                                                           Michel Boucher, Joëlle Furic, La maison rurale en Haute Marche, 2005, p. 9

 

« Une partie de l’actuelle commune de Saint-Maurice-La-Souterraine était intégrée à la Basse Marche ».

                                                                 Annie Moulin, Les maçons de la Haute Marche au XVIIIe siècle, 1987, p. 366

 

 

Michel Boucher et Joëlle Furic appellent Basse Marche le nord-ouest du département de la Creuse. Cet espace est « au contact du Berry, du Poitou et du Limousin [1] » puisque « l’Histoire l’a doté de trois visages qui regardent dans des directions opposées : le Dunois [2] vers le Berry, le Sostrannais [3] vers le Poitou et l’Angoumois, le pays de Bénévent vers le Limousin [4]».

  • Historiquement, Bénévent et la Souterraine n’ont initialement pas fait partie de la Haute Marche : la première relevant de Limoges et la seconde, avec  la vicomté de Bridiers, du Poitou  (Dun a par contre toujours fait partie de la Marche).
  • Linguistiquement, Bénévent s’exprime en occitan limousin, Dun-le-Palestel et La Souterraine, communes situées au-dessus de la Gartempe, parlent  marchois.

 

           Carte des différentes influences in Michel Boucher, Joëlle Furic, La maison rurale en Haute Marche, 2005

 

 

Au point de vue architectural, si en Basse Marche creusoise les granges sont de type limousin, les cheminées « se rattachent (…) au type rencontré dans une vaste région allant du Perche au Berry en passant par l’Orléanais, le Maine, la Touraine et la Sologne [5] ». Autre particularité de cette microrégion, les alentours de Dun-le-Palestel et la Souterraine  « développent, sous l’influence du Berry, une maison aux murs bas, aux combles élevés éclairés par des lucarnes à foin [6]».



[1] Michel Boucher, Joëlle Furic, La maison rurale en Haute Marche, 2005, p. 86

[2] Le pays dunois comprend Dun-le-Palestel, Saint-Léger, Saint-Germain-Beaupré, Azerables, Bazelat, La Chapelle-Baloue, Saint Sébastien, Lafat, La Celle Dunoise, Saint-Sulpice-le-Dunois, Bussière Dunoise

[3] Le pays sostrannais regroupe La Souterraine, Saint-Agnant-de-Versillat, Vareilles, Naillat, Fleurat, Noth, Lizières, Saint-Priest-la-Feuille, Saint-Maurice-la-Souterraine

[4] Michel Boucher, Joëlle Furic, La maison rurale en Haute Marche, 2005,p. 85

[5] Ibidem, p. 89

[6] Ibidem, p. 87

 

 

 

Au Moyen Age, si la paroisse de Saint-Maurice en Creuse actuelle relevait de l'évêque de Limoges sur le plan religieux, elle se trouvait dans la dépendance féodale d'une part des seigneurs de Basse Marche, d'autre part des comtes de Poitiers.

Source : Marie-Emmanuelle Desmoulins, Françoise Celer, Paul-Edouard Robinne, Inventaire général du patrimoine culturel, 2007, http://www.culture.gouv.fr/

  • Etait en Poitou la plupart de son territoire comprenant les seigneuries vassales et les possessions de la vicomté de Bridiers, ainsi que les possessions de la commanderie de Morterolles, de la baronnie de Fromental, de la prévôté et de la communauté de prêtres de La Souterraine.
  • Etait en Basse Marche l'enclave de "Vitrat-le-Doignon" dépendant du marquisat, puis duché, de Magnac-Laval.
  • Certaines seigneuries rendaient hommage aux vicomtes de Bridiers.

                                                    

                        Source : Réseau « paysage et urbanisme durable », Pays Ouest Creuse, 2012, http://www.mairieconseilspaysage.net/

 

Sur la fiche technique du réseau « paysage et urbanisme durable » qui regroupe diverses communautés de communes de l’Ouest de la Creuse, on lit que ce territoire est scindé :

  • En trois régions agricoles : Bas-Berry, Marche et Haut-Limousin (cf. les 3 communautés de communes dont deux parlent marchois - Pays dunois et sostranien - ce qui n'est le cas que de la bordure nord du pays de Bénévent-Grand Bourg - cf. Fleurat, le nord de Grand Bourg).

  • En quatre unités forestières distinctes : la Vallée de la Creuse, la Basse-Marche, la châtaigneraie et la montagne limousines (la Basse Marche correspond au sud-ouest du pays sostranien).

 

                          

 

                         Carte tirée de l'Atlas de Robert-Henri Bautier, archiviste de la Creuse et des Archives Nationales

                                 source : Atlas historique du Limousin > http://www.unilim.fr/atlas-historique-limousin/

 

 

 

 

                                                                     La Haute Marche

 

La Haute-Marche englobe le département de la Creuse, une partie sud de l'Indre (dans sa partie sud proche de la rivière Creuse comme Aigurande ou Le Blanc) tandis que le sud du Cher qui fit partie du Bourbonnais est occupé par la pointe nord des Monts de la Marche. En ce qui concerne le Bourbonnais (département de l'Allier), si la commune de Gouzon, qui en faisait initialement partie, a été intégrée ensuite à la Marche, il n’y a pas à notre connaissance de documents qui précisent que cette partie du comté s’y soit étendue même si certains historiens ont avancé l’idée que Montluçon aurait pu en faire partie. Pour autant, à 7,5 km d’Evaux-les-Bains (Creuse), se trouve une commune de la Combraille, la Petite-Marche, dont les 215 habitants (recensement de 1999) s'appellent les… Marchois(es) !

 

 

1. Le nord et l'est creusois

 

Après la Guerre de Cent ans qui voit le développement de la royauté et, au XVIe siècle, la monarchie absolue, « durant trois cents ans, le territoire du futur département de la Creuse, appelons-le « pays creusois », en grande partie, mais en grande partie seulement, issu de la Haute Marche, allait être dans une situation particulièrement complexe, avec, globalement, une séparation plus nette entre Marche et Limousin».

                                                                                                                         Philippe Loy, Histoire et Art, in La Creuse,  Bonneton, 2009

 

? Le docteur François Vincent a publié de nombreux contes et chansons en "patois" de la Creuse. Guylaine  Brun-Trigaud explique que « pour rendre son étude tout à fait complète, Vincent lui adjoint quelques spécimens de textes dialectaux, parmi lesquels se trouve la version d’une fable en patois de Lafat, près de Dun et une chanson en patois des environs de la Souterraine, accompagnée du commentaire suivant : "les mots se prononcent à la française, tels qu’ils sont écrits, de sorte qu’un Parisien pourrait le lire tout aussi correctement qu’un paysan de la localité" (p. 298) ».

                                                                 François Vincent, Etude sur le patois de la Creuse, MSSNAC, tome 5, 1885

 

 

2. L'Indre et la Vienne

 

Michel Aubrun est historien médiéviste, spécialiste de l'histoire des paroisses et du monde paysan. Docteur ès-lettres, il fut d’abord professeur au lycée de Guéret avant de rejoindre l’université de Nancy, puis, jusqu’à sa retraite, l'Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Il est l’auteur de quatre études publiées dans les Mémoires de la Société des sciences de la Creuse consacrées à la commune marchoise de Lourdoueix-Saint-Michel (Indre).

C’est ce spécialiste qui rédige l’avant-propos d’une étude consacrée à cette commune réalisée par la linguiste Guylaine Brun-Tigaudoù il explique que, pour cette paroisse rurale intégrée à la Marche dès sa création au Xe siècle, « (…) l’attirance vers le nord n’a jamais manqué (…) ».

                                                                                              Guylaine Brun-Tigaud, Le parler de Lourdoueix-Saint-Michel, MSSNAC, 1993
 

En 1891, en préambule de son ouvrage consacré au bas-Berry[1], Alphonse Ponroy (surnommé Piêre de La Loje) précise qu’à Chantôme (canton d’Eguzon, Indre), commune qui touche le département de la Creuse et qui fit partie autrefois de la Marche, la population est bilingue : les gens y parlent "patois" entre eux et français avec les étrangers. Il appelle l’idiome de Chantôme et des environs le berrichon-marchois.



[1] Alphonse Ponroy, dit Piêre de La Loje, Glossaire du Bas Bêri (Indre), 1891

                            Carte tirée de l'Atlas de Robert-Henri Bautier, archiviste de la Creuse et des Archives Nationales

                                 source : Atlas historique du Limousin > http://www.unilim.fr/atlas-historique-limousin/

 

 

 

Combraille et Franc-Alleu 

On utilise le terme Combraille au singulier par opposition aux Combrailles auvergnates. Même chose pour la Marche qui est au singulier tandis qu’en Bretagne, en Poitou, on parle de Marches au pluriel.

 

 

Pierre Robert était, en 1580, lieutenant du roi au siège du Dorat (juridiction de la Basse-Marche) et installé dans sa fonction « par le lieutenant général de la Haute Marche à Guéret [1] ». Il décède en 1658 avant d’avoir pu achever son Histoire de la Marche [2] dans laquelle il fait une courte description de deux petits pays creusois que sont  la Combraille et le Franc-Alleu :

 

Ø  La Combraille « (…) est un petit pays borné de l’Auvergne, du Bourbonois et de la Marche, qui consiste en 55 paroisses et cinq chastellenies, Auzances, Lacrocq et Chambon qui sont trois petites villes, et deux bourgs Semur et Lespau, qui sont au bailliage d’Aigueperse près Montpensier en Auvergne, dont les appeaux pour les cas communs relèvent immédiatement a la cour, et pour les cas royaux au présidial de Riom. Ils ont une élection et recepte à Esvaon, qu’on dit communément Esvau, et pour les aides vont à Clairmont-Ferrand. Ils sont de la généralité de Moulins et de la seneschaussée de la Marche, car le seneschal de la Marche l’est de Combraille pour le spirituel (…) ».

En 1789, la Combraille va demander « sa propre représentation aux états généraux sous prétexte qu’elle n’a jamais appartenu aux états d’Auvergne ». Quelques mois plus tard, elle demande à être rattachée à la Haute Marche, de préférence à l’Auvergne, tout comme le Franc Alleu.                                          Source : Christophe Jamain, ouvrage cité

 

Ø  « Le Franc Alleud est un aultre petit pays de 20 ou 22 paroisses, quelques-unes desquelles sont enclavées dans la Marche. Il est du ressort d’Auvergne, présidial de Riom, d’ou on l’a distrait pour l’unir à celluy de Guéret (…) Il y a une élection et recepte a Bellegarde qui est une villette royale ».

Aujourd’hui, Combraille et Franc-Alleu sont assimilés par commodité à la Marche. Ainsi, le Pays Combraille en Marche est un regroupement de collectivités locales situé à l'est du département. Bellegarde, qui fut autrefois « capitale » du Franc-Alleu, se dénomme de nos jours Bellegarde-en-Marche [3] (un franc alleu désignait autrefois un fief en héritage qui ne relevait d'aucun seigneur et qui bénéficiait d'exemptions fiscales).



[1] Louis Pérouas, déjà cité

[2] Alfred Leroux a rendu compte des Extraits d’une Histoire de la Marche, préparée entre 1650 et 1658 par Pierre Robert du Dorat, in Mémoires de la Société des sciences de la Creuse, 1891-92

[3] L’association des Amis de Bellegarde-en-Marche écrit que, d’après les historiens, « la ville murée, l’ancienne bastide de Philippe-Auguste, se retrouva incluse dans la Marche, lorsque celle-ci mit la main sur la Vicomté d’Aubusson, en 1226 ».

http://amis-de-bellegarde-en-marche.asso-web.com