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Domaine marchois

             LE DOMAINE LINGUISTIQUE MARCHOIS

                                             (hors Marche consultable ICI)

 

 

« L'étude d'une frontière naturelle saisissable in situ permet de voir clairement que les deux ensembles d'oc et d'oïl se sont différenciés spontanément de part et d'autre d'une zone de transition assez étroite verticalement, soit une trentaine de kilomètres ».

Michel Banniard, Sociolinguistique diachronique romane, Livret-Annuaire 21 2005-2006,  2007, p. 196

 

Léo Léonard, maître de conférence à l’institut de phonétique CNRS-Paris 3, fait état de « l’aire de transition entre oïl et oc par excellence qu’est l’aire dite du "Croissant" [1]».


[1] Léo Léonard, Préface, in Eric Nowak, Histoire et géographie des parlers poitevins et saintongeais, 2013, pp. 13-15

 

 

1. La Charente (et une infime partie de la Dordogne).

 

En Charente, l’espace marchois est situé dans un triangle formé par la Nationale 10 (Ruffec) et la Nationale 141 (Confolens). Deux cours d’eau, la Vienne (rivière) et la Charente (fleuve) contribuent aussi à le délimiter. La région du Confolentais (cf. Charente limousine) est symboliquement scindée en deux par la Vienne qui,  tout comme la Gartempe en Basse et Haute Marche, marque la limite entre le marchois et le dialecte occitan limousin :

  • A l’ouest de la Vienne (cf. Alloue), on parle marchois. Les terres sont fertiles (les « terres chaudes ») et formées de plateaux, de plaines. On y trouve aussi de grandes étendues cultivées (le plus souvent céréalières) et des bois.

Agris, La Rochette, dans le canton de La Rochefoucauld, sont situées à 19 km au nord-est d'Angoulême. Alloue, Benest, appartiennent au canton de Champagne-Mouton. Ces communes, tout comme Sainte-Colombe, Saint-Amand-de-Bonnieure, Champagne-Mouton, etc., marquent un continuum avec le marchois parlé en Basse Marche, dans la Vienne, la Creuse, etc.

  • A l’est de la Vienne (cf. Confolens), on parle l’occitan limousin Les collines sont couvertes de prairies et de pâturages propices à l’élevage des ovins et autres bovins. Plus escarpées, ces terres de bocage situées à proximité du Limousin sont appelées « les terres froides » et appartiennent aux contreforts du Massif Central.

Même l’aspect des églises diffère entre l’Ouest (églises avec clocher mur et chevet plat) et l’Est (églises à chevet polygonal).

  • Dans la partie nord de l’Angoumois, région décrite par Jean-Pierre Rousselot dans son ouvrage consacré au marchois parlé à Cellefroin, les terres sont fertiles et propices aux cultures céréalières.
  • Dans le sud-est de la Charente, là où demeurent des enclaves marchoises, le paysage est constitué d’une alternance de bocages, de plaines et de forêts. Détachée de l’espace marchois, une aire isolée se prolonge au sud avec Juillaguet et une autre, encore plus au sud et plus conséquente, subsiste dans le canton d’Auberterre-sur-Dronne (Les Essarts, Bonnes, Saint-Martial, Laprade, Saint-Romain, Aubeterre, Nabinaud, Saint-Séverin, Pillac et Montignac-le-Coq). Elle se prolonge dans quelques localités de la Dordogne limitrophe (Puymangon, Chenaud).

Les localités charentaises qui font partie du domaine marchois et qui sont présentes dans l’Atlas linguistique de l’Ouest sont Agris, Alloue, Bonnes, Nabinaud, Saint Martial et Saint Claud (cette dernière commune est aussi présente dans l’Atlas linguistique de la France et voisine Cellefrouin qui a fait l’objet d’une étude très fournie de l’abbé Jean-Pierre Rousselot, grand nom de la linguistique française).

              

                                  

 

 

On trouve dans l’Atlas linguistique et ethnographique de l’Ouest (ALO) la phrase « les oiseaux font leur nid » ce qui donne à l’ouest du domaine marchois :

- Saint Claud, Alloue (16) : lous auseais fasant lour nic.

- Agris (16) : lous auseais fant leur nic /louz’ ousé fan yeur’ ni/.

 

Le nord de la future Charente devient à partir du Xe siècle un territoire stratégique en raison de sa position sur la Vienne. Les comtes de la Marche, ceux du Poitou, des seigneurs locaux ou bien encore le vicomte de Limoges se le disputeront. Des portions du nord de la Charente feront partie de la Marche ou auront des liens directs avec elle.

Le château de Saint-Germain-de-Confolens au pied de la Vienne constitue au XIIe siècle l’une des baronnies du comté de la Marche.  Aux XIe-XIIe siècles, les prieurés d’Alloue et de Benest dépendent de l’abbaye de Charroux, première capitale de la Marche.

Plus au sud, le marchois est parlé au-dessus d’Angoulême (Saint Claud, Cellefrouin, etc) et là encore, l’Histoire met en évidence des liens historiques.

En 1200, Hugues le Brun de Lusignan, comte de la Marche, doit épouser Isabelle Taillefer, héritière du comté d'Angoulême. Avec ce mariage, la Marche et l’Angoumois seront unis, constituant un important domaine au centre-ouest de la France. Le roi d'Angleterre, Jean sans Terre, y voit un danger pour son pouvoir en Aquitaine. Il enlève et épouse la jeune femme qui devint ainsi reine d’Angleterre. Le comte de la Marche se plaignit auprès roi de France, Philippe-Auguste, qui prononça la confiscation des fiefs de Jean Sans Terre au sein de son royaume. La guerre qui s’ensuivit mit fin aux ambitions anglaises pendant un siècle. Vingt ans après ce mariage, au décès de Jean, Isabelle revint à Angoulême et épousa le comte de la Marche : le projet d’union Angoumois-Marche fut enfin réalisé auquel s’ajouteront les terres des Lusignan en Poitou. Isabelle sera dès lors appelée Isabeau de la Marche et après sa mort en 1245, les Lusignan dirigeront les deux comtés jusqu’en 1301, date à laquelle ils seront intégrés à la couronne de Philippe le Bel.

Jean-Pierre Rousselot estime que c’est autour de l’an 1000 que la région de Cellefroin « entre dans la sphère d’influence du Nord » grâce à la vallée du Son[1] qui « fait communiquer comme deux mondes et deux civilisations ». L’évolution phonétique se caractérise alors par la présence de traits limousins dans le marchois qui connaît aussi une forte influence française. Rousselot estime que c’est au XIe siècle « après la transformation de l’A tonique libre en E et la chute des instantanées médiales (…) que la partie inférieure de la vallée du Son [en aval] entre dans la sphère d’influence du Nord tandis que la partie supérieure [en amont] reste fidèle à la tradition méridionale [2]».



[1] Le Son est une rivière de 24 km qui arrose l’est du département de la Charente

[2] Jean-Pierre Rousselot, Les modifications phonétiques du langage dans le patois d’une famille de Cellefrouin en Charente, 1891, p. 347

 

 

                                                                                          

 

C’est dans cette partie ouest du domaine marchois que naquit et vécut l’abbé Rousselot qui, dès son enfance à Saint-Claud, parla le marchois.

Jean-Pierre Rousselot fut l’inventeur de la phonétique expérimentale et il occupa en 1889 la première chaire de phonétique expérimentale jamais créée dans le monde et se vit confier un laboratoire de phonétique, premier du genre à exister. Dialectologue, professeur au Collège de France, il a présidé la Société linguistique de Paris, fondé la Revue de phonétique (18), la Revue des patois gallo-romans (1887), et rédigé de nombreux ouvrages.

C’est le premier qui fit du marchois un sujet d’étude en tant que tel. Après avoir lu l’ouvrage des provençalistes Charles de Tourtoulon et d’Octavien Bringuier intitulé Etude sur la limite géographique de la langue d’oc et de la langue d’oïl (1876), Jean-Pierre Rousselot explique que cet ouvrage « venait de me révéler l’intérêt particulier de mon patois, qui est à cheval sur la limite des idiomes du Nord et de ceux du Midi [1]».

Charles de Tourtoulon et d’Octavien Bringuier classent le marchois comme étant un sous-dialecte occitan.

Rousselot entreprend alors de mener en 1879 sa propre enquête linguistique « allant de village en village » pour y rencontrer des locuteurs. Ce travail va d’abord s’étendre sur une vaste échelle « depuis la Charente jusqu’aux confins de l’Allier et de la Loire ». De ce voyage linguistique, Rousselot écrit dans sa préface : « je rapportais de cette première expédition des idées qui n’étaient plus celles de M. de Toutoulon (…) ». Ensuite, les études de l’abbé Rousseloy se concentreront uniquement sur Cellefroin et seront complétées par de nouvelles enquêtes entre 1886 et 1887 puis à nouveau en 1889-1890.

Entre le début de sa recherche (1879) et la fin de son travail (1891, année où il obtient de son diplôme et publie son livre), treize années vont s’écouler.


[1] Jean-Pierre Rousselot, Les modifications phonétiques du langage dans le patois d’une famille de Cellefrouin en Charente, 1891

           

Parti de son village natal de Saint-Claud (Charente), Rousselot mènera son étude au-delà de Montluçon, jusqu’aux Monts de la Madeleine qui se situent à la jonction des quatre zones linguistiques de la France (langues d'oïl, langues d'oc, marchois et francoprovençal).

 

Localités de Charente linguistiquement marchoises présentes dans des atlas linguistiques.

Dans l’Atlas linguistique de France (ALF) : Saint-Claud point 519.

Dans l’Atlas linguistique et ethnographique de l’Ouest (ALO) : Alloue point 85, Saint Claud point 84, Agris point 97

 

Au nord du département, Marcel Coq classe[1] les localités linguistiquement marchoises :

Saint Claud, Cellefrouin, Ambernac, Abzac, sont dans la zone des parlers mixtes avec une  dominante d’oc.

Pleuville, Benest, Sainte Colombe, dans la zone des parlers mixtes sans aucune dominante.

 

                                                            

Sur cette carte, des localités linguistiquement marchoises (espace N°3) sont décrites comme ayant des parlers limousins "davantage francisés".

 

Marcel Coq fut professeur d'histoire et géographie au collège de Chasseneuil (Charente). En 1973, ce Charentais envisage l’ouest du domaine marchois en trois parties : une zone B à dominante d’oïl, une zone D, à dominante d’oc et au centre, une troisième zone, la C, sans dominante particulière. « Le classement de cette dernière zone est évidemment hautement problématique » écrit Eric Nowak qui signale l’embarras de Marcel Coq et le cite : « où classer l’ensemble de la zone C ? : en zone occitane ou en langue d’oïl ? La réponse est assez délicate (…). En fait, le décompte rigoureux des critères d’oc et d’oïl monterait qu’on est dans une zone indécise, assez largement partagée entre les deux langues ».

M. Coq fournit une autre information qui n’est pas anodine : à partir de la commune de Champagne-Mouton au cœur du Croissant marchois, il trace autour d’elle un arc-de-cercle en direction de l’Est et du Sud en prenant comme repères deux localités de la Charente dite limousine où le parler d’oc est caractérisé. Pour un habitant de Chasseneuil-sur-Bonnieure (à 21,6 km au sud) ou de Confolens (23,4 km à l’est), « le parler [marchois] de Champagne-Mouton est sans aucun doute "du patois saintongeais" ou "poitevin" ». Cela signifie que les locuteurs charentais occitanophones perçoivent le marchois parlé à Champagne-Mouton à une vingtaine de kilomètres de chez eux comme étant un dialecte  d’oïl. Ils ne le reconnaissent pas comme étant identique ou même proche de l’occitan limousin.

Malgré tout, Marcel Coq écrit que « cette zone est donc peut-être "moitié occitane" sur le plan scientifique, mais au niveau militant elle est occitane au même degré que les autres régions d’oc ». On le constate, ce qui prime, hélas, ce n’est pas l’aspect scientifique mais plutôt le parti pris idéologique.

Marcel Coq, Lo limit linguistic de l'occitan e del peitavin-santongés dins lo départament de Charenta, Quaserns de lingüistica occitana, n°6, 1977, in Eric Nowak, Patois et chansons de nos grands-pères en Poitou (Vienne-Deux Sèvres), 2012, p. 29

  • Eric Nowak, enseignant et spécialiste du poitevin et du saintongeais, estime pour sa part en 2010 que « le classement de ces parler intermédiaires, s’il est constamment fait de manière à les ranger du côté d’oc, n’est pas cependant sans poser problème [2]». Il cite des passages de Tourtoulon qui lui-même reconnaissait avoir eu des hésitations à ranger des localités de Dordogne (cf. Saint-Martial, Laprade, Saint-Romain, Aubeterre, Nabinaud et Juillaguet) soit en oïl, soit  en oc.
  • En 21012, il écrit que les parlers marchois sont « en fait intermédiaires entre oc et oïl »[1].

    Eric Nowak, Patois et chansons de nos grands-pères en Poitou (Vienne-Deux Sèvres), 2012, p. 7



    [1] Eric Nowak, Patois et chansons de nos grands-pères en Poitou (Vienne-Deux Sèvres), 2012, p. 7

  • Gaston Guillaumie, natif de la Dordogne (Atur, localité proche de Périgueux), a été au milieu du XXe siècle professeur à la Faculté des Lettres de l’Université de Bordeaux. Il écrit en 1927 au sujet des communes du sud Charente qui « forment une région mixte dont le canton d’Aubeterre occupe la plus grande partie » que « les deux langues y sont tellement confondues que toute classification paraît impossible [3]».

[1] Marcel Coq, Lo limit linguistic de l’occitan e del peitavin-santongés dins lo départament de Charenta, in Quaserns de lingüistica occitana, n°6, 1977

[2] Eric Nowak, Histoire et géographie des parlers poitevins et saintongeais, 2010, p. 90

[3] Gaston Guillaumie, Essai de contribution à l’étude du glossaire périgourdin, 1927, p. 14

 

2. Le Cher

La région naturelle appelée la Marche dans le Cher (à ne pas confondre avec l'ancien comté même si les deux font référence à la même chose) recouvre à la bordure sud du département une douzaine de communes dont la bien nommée Saint-Priest-la-Marche.

Ce secteur parle marchois et la commune de Saint Jeanvrain est présente dans l'Altlas linguistique du Centre.

 

Localités du Cher linguistiquement marchoises présentes dans des atlas linguistiques.

Dans l’Atlas linguistique de France (ALF) : Culan* point 600.

Dans l’Atlas linguistique et ethnographique du Centre (ALCe) : Saint Jeanvrain point 51.

Guylaine Brun-Trigaud et Tobias Scheer (Université de Nice) incluent Culan parmi les points d'enquête du Croissant relevés dans l'Atlas linguistique de la France[1].


[1] Guylaine Brun-Trigaud et Tobias Scheer, La lénition des attaques branchantes en français et dans les dialectes de l’ALF, 2009

                

 

La Direction départementale des Territoires du Cher décrit des paysages de bocage, ce « paysage rural créé par l’homme, où les parcelles de cultures ou d'herbages sont entourées de haies ou de rangées d’arbres. Dans le Berry, on parle de  "bouchures" qui sont des haies basses, taillées, en général de prunelliers. L’habitat y est dispersé en fermes isolées ou en hameaux [1]».

Le bocage est essentiellement présent dans le sud du département (sud du Boischaut, Marche), régions tournées vers l’élevage. Le secteur de la Marche est aussi connu pour son paysage de vignes dont le vignoble classé AOC de Chateaumeillant, commune qui culmine à 240 m au cœur des Monts de la Marche. 


[1] Direction départementale des Territoires du Cher, Portraits du Cher, 2015

http://www.cher.gouv.fr/content/download/8146/50456/file/Milieu_physique_janvier+2015.pdf

 

 

 

3. Le Bourbonnais (Allier)

Le Bourbonnais historique recouvrait l’actuel département de l’Allier et une partie sud-est du Cher. Les Bourbon vont diriger la Marche du XIVe au XVIe siècle (de 1322 à 1525) avec un intervalle de 39 années (1438-1477) durant lesquelles elle passa par mariage à la famille d’Armagnac  (Eléonore de Bourbon se maria avec Bernard II d’Armagnac puis ce fut son fils qui hérita du comté en 1462).

                                                                     

La Maison de Bourbon est celle qui dirigea la Marche le plus longtemps et qui lui fournit son blason augmenté de lions argentés. C’est à une date inconnue (XVIe ? XVIIe siècle ?) qu’une autre branche des Bourbon, dotés du titre de prince de Conti, reprend celui de comte de la Marche. Le dernier de cette famille à avoir porté ce titre fut Louis François Joseph de Bourbon, prince de Conti, qui hérita de son père en 1776. Quelques années plus tard, la Révolution française allait renverser la royauté et rompre avec l’organisation de l’ancien régime en créant les départements. Le Bourbonnais partage avec la Marche le fait d'avoir été rattaché à une région administrative qui l'écrase totalement et le renvoie au statut de lointaine banlieue dotée d'un faible poids économique et victime d'un manque de reconnaissance.

Le bocage bourbonnais poursuit celui existant en Creuse du Nord. A l’est, c’est la plaine bourbonnaise bordée dans sa partie sud par la montagne avec les monts de la Madeleine (1.165 m). Ce changement de relief s’accompagne d’un changement linguistique : le Sud de l’Allier parle marchois (zone verte-grise ci-dessus), le Nord parle le bourbonnais, dialecte d’oïl proche du berrichon (zone verte).

Localités de l’Allier linguistiquement marchoises présentes dans des atlas linguistiques.

Dans l’Atlas linguistique de France (ALF) : Désertines point 800, Chantelle point 802, Vesse/Escurolles aujourd’hui Bellerive-sur-Allier : point 803.

Dans l’Atlas linguistique et ethnographique du Centre (ALCe) : Archignat point 61, La Petite-Marche point 65, Ebreuil point 67, Vendat point 66.

Dans l’Atlas linguistique et ethnographique du Lyonnais (ALLy) : Isserpent point 13, Chatel-Montagne point 14, Saint-Nicolas-des-Biefs point 22, Bizeneuille* point 58 et Saint-Bonnet-de-Four* point 64.

Wolfgang Dahmen, linguiste allemand et enseignant à l'Université Schiller d’Iéna explique que pour Jules Ronjat et Pierre Bec, ces deux derniers points d’enquête (*) étaient aussi à placer dans le Croissant[1].


[1] Wolfgang Dahmen, Étude de la situation dialectale dans le centre de la France : un exposé basé sur l’Atlas linguistique et ethnographique du Centre, CNRS, 1985, p. 146

 

 

Domaine marchois - sud-ouest de l’Allier : commune d’Huriel

Français : Je voulais qu’un oiseau vînt se poser sur son chapeau

Marchois : E voulaive qu’un auseau venne se posar dessus son chapeau

/é voulèv’ k’in’ ozio veun’ seu posa tsu son chapio/

Source : Atlas Linguistique du Centre : aire explorée dans la zone de transition entre langue d’oïl et langue d’oc

 

 

Olivier Trotignon, historien, explique qu’il est parfois interpellé lors de ses conférences sur la distinction entre Berry et Bourbonnais. Pour ce spécialiste de la période médiévale, c’est la chronologie qui fait office de boussole : « une petite leçon de géographie historique n’est donc pas superflue. Le Bourbonnais existait bien comme territoire distinct du Berry par la fiscalité qui s’y pratiquait et par l’hommage que ses habitants devaient à la seigneurie de Bourbon, mais seulement à partir de la Guerre de 100 ans. Selon Marcel Marion, dans son Histoire du Berry et du Bourbonnais, la création du duché de Bourbonnais remonterait  à Louis, dit le Grand (1279-1342), devenu duc en 1327. Avant cette date, rien ne permet de distinguer la seigneurie de Bourbon de ses voisines du Berry du sud. Fondée dans les limites de l’ancien pagus biturige, Bourbon appartient au diocèse de Bourges qui épouse le territoire de l’ancienne cité gallo-romaine. Pendant les premiers siècles de la féodalité, alors que se multiplient les écrits  sur lesquels l’historien peut s’appuyer pour fonder ses observations, les Bourbons se désignent eux-mêmes comme seigneurs du Berry ». Pour Olivier Trotignon, la confusion est née lors de la division en départements au moment de la période révolutionnaire, le Cher et l’Indre étant considérés comme berrichons et l’Allier bourbonnais. Tout s’est encore un peu plus compliqué lorsque sont crées les régions administratives au milieu des années 1950. L’Allier a été aggloméré à l’Auvergne « qui était totalement distincte en tant qu’ancien pagus des Arvernes et évêché de Clermont, du Berry. On comprend que certains peinent à s’y retrouver ».

                 Berry médiéval: histoire et patrimoine du Moyen-âge en Berry, rédigé et illustré par Olivier Trotignon, médiéviste

http://berry.medieval.over-blog.com/article-peut-on-etre-bourbonnais-au-moyen-age-44381737.html

 

Aujourd’hui, le Bourbonnais souffre du même mal que la Marche. L’assimilation à une région administrative a eu pour conséquence de minorer ces deux entités.

 

4. Le Puy-de-Dôme

L'espace linguistique marchois couvre la bordure nord du Puy-de-Dôme, de la Combraille jusqu'à la montagne bourbonnaise. Deux points d'enquête dans les atlas linguistique :

  • Dans l’Atlas linguistique de France (ALF) : Saint-Eloy-les-Mines : point 801.
  • Dans l’Atlas linguistique et ethnographique du Lyonnais (ALLy) : Lachaud : point 23.

              

Simone Escoffier, originaire du Forez, était Docteur ès lettres. Cette linguiste a publié en 1958 sa thèse intitulée La rencontre de la langue d’oïl, de la langue d’oc et du franco-provençal entre Loire et Allier. Limites phonétiques et morphologiques dans laquelle elle a cherché à définir les limites séparant les dialectes d’oïl de l’auvergnat et du francoprovençal. Elle va en fait dessiner quatre zones linguistiques réparties dans trois départements (Allier, Puy-de-Dôme et Loire) : l’aire du francoprovençal (I), celles de la langue d’oïl (II), de la langue d’oc (III) et, « serrée entre les deux dernières », une autre aire (IV), celle des « parlers intermédiaires entre oc et oïl ».

                     

 

Localités représentées par un nombre (surlignées en jaune par nos soins) relevant de l’aire du Croissant :

Allier : 5 = Boucé ; 10 = Bayet ; 11 = Marcenat-sur-Allier ; 12 = Saint-Félix ; 14 = Saint-Rémy-en-Rollat ; 15 = Creuzier-le-Vieux ; 17 = Isserpent (présent dans l’Atlas linguistique du Lyonnais au point 13) ; 19 = Saulzet ; 20 = Espinasse-Vozelles ; 21 = Molles ; 22 = La Chapelle ; 23 = Châtel-Montagne (présent dans l’Atlas linguistique du Lyonnais au point 14) ; 28 = Busset ; 29 = Saint Clément ; 30 = Saint-Nicolas-des-Biefs (présent dans l’Atlas linguistique du Lyonnais au point 22) ; 36 = Ferrières-sur-Sichon ; 37 = La Chabanne ; 42 = La Guillermie ; 43 = Lavoine ; 44 = Laprugne ; 56 = Fleuriel ; 57 = Ussel d’Allier ; 58 = Saint-Bonnet-de-Roche.

Puy-de-Dôme : 41 = Lachaux (présent dans l’Atlas linguistique du Lyonnais au point 23).